Véronique HONNORAT

Rapport de la commission scientifique de la SFPIO sur le LASER en Parodontologie.

Membres de la commission scientifique : Alain BORGHETTI, Dominique GLEZ, Eric MAUJEAN, Virginie MONNET CORTI et Henri TENENBAUM.

Introduction

A l’heure actuelle, les thérapeutiques non chirurgicales conventionnelles manuelles ou ultra sonores sont le traitement de référence des maladies parodontales chroniques. Les difficultés d’accès aux surfaces radiculaires dans les poches profondes, posent cependant les limites de la décontamination lors de ces traitements et indiquent quelquefois une phase chirurgicale complémentaire. L’accompagnement chimique, antibiotique et ou antiseptique, est également limité par les notions de biodisponibilité des principes actifs utilisés, ainsi que par les doses efficaces réellement délivrées in situ.

Enfin, l’état de surface radiculaire obtenu après traitement, doit être compatible avec les processus biologiques de réparation ou de régénération. Les techniques de surfaçage classiques aboutissent à un épithélium de jonction long et la régénération n’est retrouvée que dans les parties profondes des lésions infra osseuses.

Les LASER sont aujourd’hui une alternative thérapeutique intellectuellement séduisante puisqu’ils possèdent une action bactéricide, un potentiel de détoxification des surfaces cémentaires exposées et un effet de résection de l’épithélium de poche avec élimination du tissu de granulation, tout en s’inscrivant dans une approche non chirurgicale. Le potentiel de biostimulation du laser sur les tissus est présenté comme améliorant la cicatrisation et diminuant l’inflammation post opératoire. Cette approche novatrice dans le traitement des parodontites séduit les patients attirés par les technologies modernes, synonymes pour eux de notre devoir d’obligation de moyen.

 

Quelle est la place de la thérapeutique au LASER dans le traitement des maladies parodontales aujourd’hui ? Et au-delà de la pression marketing, la thérapeutique au LASER a-t-elle démontré une efficacité supérieure aux techniques conventionnelles ?

 

Caractéristiques des LASER

Le sigle L.A.S.E.R. est un acronyme de « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation » ou Amplification de lumière par émission stimulée de radiation. Le faisceau laser est une émission photonique, préalablement stimulée par une radiation électromagnétique qui génère un faisceau unidirectionnel, intense, monochromatique et cohérent caractérisé par une longueur d’onde précise. (27, 37)

Lorsque la lumière laser atteint un tissu elle peut être réfléchie, éparpillée (diffusée), absorbée ou transmise aux tissus voisins (figure n°:1). Dans les tissus biologiques, la présence de molécules d'eau, protéines, pigments et autres macromolécules va déterminer un coefficient d’absorption caractéristique. Le coefficient d'absorption dépend de la longueur d'onde de la source laser utilisée et il faut une concordance entre la longueur d'onde du rayonnement et le spectre d'absorption de la matière. L’os est constitué de 67% de phase minérale et de 33% de phase organique (protéines collagéniques et non collagéniques) alors que la gencive est constituée de 70% d’eau. Les pics d’absorption de ces deux tissus seront donc différents. Le pic d’absorption de l’eau est situé à 2,940 nm et correspond à la longueur d’onde émise par le laser Er YAG qui est, à ce titre, le plus indiqué en application parodontale.

 

Effets biologiques des lasers

L'interaction entre le rayonnement laser et la matière vivante, entraîne certaines réactions biologiques qui dépendent de 5 effets: thermique, photochimique, mécanique, électrique et quantique (37).

Tous ces effets sont liés entre eux et ils sont présents à des degrés plus ou moins importants suivant le type de laser utilisé (sa longueur d’onde), la nature de la cible et le mode opératoire (pulsé ou continu).

L'effet photo-thermique se définit comme l'absorption énergétique globale du tissu et sa dégradation locale en chaleur; c'est le principal effet en laser thérapie. D'un point de vue physique, cela se traduit par une densité surfacique d'énergie et une profondeur de pénétration du faisceau. La combinaison de ces deux paramètres engendre un volume interactif où se produit la dégradation énergétique.

Selon la valeur de ces deux paramètres, les cellules subissent une coagulation, une carbonisation ou une volatilisation.

Volatiliser un tissu (coupe ou destruction) correspond à un volume interactif le plus faible entraînant une élévation de température rapide sur la cible.

Coaguler un tissu (hémostase ou scellement des vaisseaux) correspond à une température locale élevée, supérieure à la température de coagulation des protéines (47 à 51°C) mais inférieure à la température de carbonisation.

Pour les tissus mous, par exemple, pour une élévation de température amenant la matière:

-entre 37°C et 60°C correspond un échauffement

-entre 60°C et 65°C correspond une soudure

-entre 65°C et 90°C correspond une dénaturation des protéines

-à 100°C correspond une volatilisation (une vaporisation).

Les derniers facteurs influençant l'action thermogène sont la conductivité thermique des tissus et la vascularisation locale. Ils assurent la diffusion des calories produites ce qui correspond à l'écoulement de la chaleur dans les tissus péri lésionnels. Pour éviter les effets thermiques néfastes, on peut avoir recours à un refroidissement volontaire, c’est à dire que la pièce à main utilisée est couplée à un spray de refroidissement. (exemple : le Er YAG)

 

Utilisation du laser sur les tissus mous

De nombreux types de lasers avec des longueurs d’onde différentes, ont été décrits dans des rapports de cas cliniques, pour la chirurgie des tissus mous en alternative à la lame froide.

 

Les Laser CO_, Nd :YAG et diode sont couramment utilisés lors de frenectomies, dans le traitement des aphtes par irradiation, pour la coagulation, le prélèvement de greffe gingivale et même au cours du deuxième temps chirurgical en implantologie. Les auteurs décrivent une meilleure coagulation et donc une meilleure visibilité du champ opératoire, une stérilisation du site opératoire avec diminution de la bactériémie per opératoire, une amélioration des suites opératoires avec réduction de l’inflammation et de l’oedème, une diminution de la douleur, une réduction de la rétraction cicatricielle et une cicatrisation accélérée. Ces conclusions reposent essentiellement sur des observations cliniques (36,5) Les rayons laser ont été décrits comme favorisant la cicatrisation grâce à la stimulation de la synthèse de collagène. En effet, l’effet photo électrique repose sur le principe de la polarisation cellulaire et entraînerait une biostimulation des tissus (figure n°2).

 

Les études de Hawkins et al.(2006)(16) sur culture cellulaire de fibroblastes in vitro ont mis en évidence une croissance accélérée de 3 à 6 fois, lors de l’utilisation de laser Helium-Neon (632.8nm) à faible puissance (5J/cm_). Ces études montrent également l’importance des choix très précis des puissances et des temps opératoires utilisés, pour obtenir cette biostimulation (16,22). Avec des puissances plus élevées, les cellules subissent des altérations moléculaires (10 à 16 J/cm_). Romanos (1995) (24) obtient des résultats équivalents sur la peau de rat avec le laser Nd :YAG puisque une cicatrisation plus rapide est obtenue avec une puissance très faible (3 watt). Cependant, l’étude de Walker sur le rat n’a pas pu démontrer de différence significative en terme de vitesse de cicatrisation lors d’irradiation de faible intensité par le laser GaAIAs (660nm) (34).

 

L’étude de Pouzarandian et al.(2005)(23) sur fibroblastes humains in vitro rapporte que l’utilisation de LASER Er YAG à faible puissance stimule la prolifération des fibroblastes gingivaux. Lippert (2003) (20) utilise l’irradiation avec les lasers Nd :YAG ou CO_ sur des muqueuses orales, oropharyngées et laryngées et rapporte des temps de cicatrisation plus longs qu’avec la lame froide. Les études de Damante ( 2004) (11) avec l’utilisation de laser diodes (670 nm) lors de gingivectomie et de chirurgie à lambeau, ne rapportent pas de différence en terme de vitesse de cicatrisation .

A ce jour, aucune étude humaine ne rapporte de cicatrisation accélérée par rapport à la lame froide.

 

Une étude randomisée et contrôlée sur 6 chiens et 36 lésions de furcation classe 3 , montre une régénération parodontale avec formation d’une nouvelle attache significativement plus importante lorsqu’elles sont traitées avec un laser CO2 ,comparée à la technique de régénération tissulaire guidée avec membrane ePTFE , et au surfaçage classique. (10)Cette étude est en faveur de la biostimulation que peut induire un rayonnement laser.

Par contre, des études permettent de mettre en évidence une diminution de la contraction cicatricielle avec l’utilisation du laser par rapport à la lame froide (17,38).

Cependant, de nombreuses publications ou études sur modèle humain, concernent souvent des tissus musculaires ou cutanés, éloignés du tissu osseux, contrairement au tissu gingival. Les longueurs d’ondes utilisées et les puissances délivrées ne peuvent donc pas être transposées dans le domaine de la parodontologie.

Concernant la chirurgie des tissus mous les lasers CO_, Nd YAG et Er YAG sont utilisables mais les protocoles opératoires (temps d’utilisation, fréquence de tirs, énergie délivrée ..) doivent être précisés et validés par des études in vivo avec des paramètres identiques.

 

Utilisation des laser sur les tissus durs

Le tissu osseux

L’élévation de température engendrée par l’irradiation laser (effet photothermique) dépend de la longueur d’onde utilisée. Au-delà de 47° C l’os commence à se résorber, et se nécrose à partir de 60°C. Seuls les lasers Er :YAG et Er,Cr :YSGG présentent des longueurs d’onde compatibles avec l’application sur les tissus osseux et ces lasers sont couplés à des sprays. L’ostéotomie avec le laser Er :YAG semble comparable à l’ostéotomie à la fraise rotative (25,26) alors que le laser CO_ produit des dommages tissulaires. L’ostéotomie sur tissu animal avec le laser Er, Cr :YSGG sous spray entraîne une cicatrisation totale du tissu osseux à 56 jours.( 19,35) Le LASER Er YAG possède une efficacité identique aux techniques classiques lors de plastie osseuse, mais aucune étude ne démontre un bénéfice supérieur à son utilisation, par rapport aux instruments rotatifs classiques.

La surface radiculaire

L’élimination des dépôts tartriques avec le laser résulte de la vaporisation de l’eau contenue dans les calculs tartriques, avec une augmentation de pression qui produit des micro explosions de ces calculs. La longueur d’onde utilisée doit coïncider avec le pic d’absorption de l’eau pour éviter les dommages thermiques sur les tissus périphériques cément et pulpe. Ainsi de nombreuses études in vitro et in vivo montrent que le laser Nd Yag et le laser CO_ génèrent des zones de carbonisation ou de fusion de la surface cémentaire (cracking) ainsi que la production de cyanates cytotoxiques, incompatibles avec l’attache des fibroblastes (30,10). Quelque soit le niveau d’énergie utilisé dans les différents protocoles les résultats cliniques obtenus lors de surfaçage avec les laser CO_ et Nd YAG n’égalent pas ceux obtenus avec un surfaçage mécanique (3) . Les études in vivo de Schwartz (2001) sur des dents vouées à l’extraction utilisent le laser ErYAG et montrent une efficacité supérieure ou identique en terme d’élimination de calculs tartriques sans altération de surface, comparé à un surfaçage manuel aux curettes (29,31,28). Aoki (2000) (4) compare la technique du surfaçage aux ultra sons avec le laser ErYag et trouve des résultats équivalents. L’étude in vitro d’Aoki rapporte un état de surface après traitement laser avec des irrégularités de 15 à 30mm comparables à celles obtenues avec les ultra-sons. Stock (32) montre des résultats comparables en terme de qualité de surface avec l’utilisation de laser Er,Cr :YSGG de longueur d’onde proche (2790nm).

Actuellement seul le laser Er YAG représente une alternative au débridement radiculaire conventionnel.

 

Effet bactéricide

La décontamination bactérienne réalisée par l’irradiation laser apparaît séduisante pour différentes raisons. Elle présente en effet l’avantage, par rapport aux antibiotiques, de ne pas créer de phénomènes de résistance puisqu’il s’agit d’un processus physique. Le laser évite également tout risque d’hypersensibilité rencontré avec certains biocides et antibiotiques. Notons également qu’il n’existe aucune contre-indication d’origine systémique ou médicamenteuse à l’utilisation du laser. Enfin la compliance du patient n’interfère plus dans le résultat thérapeutique.

Les études in vitro ont démontré le pouvoir bactéricide du laser avec une relation entre la puissance délivrée et l’efficacité antibactérienne (33). Là encore les études sont difficiles à comparer de part l’hétérogénéité des paramètres utilisés.

Les études vivo ont montré une réduction de pathogènes supérieure lors de l’utilisation du laser par rapport au surfaçage seul, mais la recolonisation bactérienne s’opère de façon identique dans les deux cas.(6, 8, 14)

Les études contrôles en bouche divisée réalisées avec le laser Nd Yap couplé à un surfaçage classique, ne démontrent aucun avantage en terme de résultats cliniques et en terme de comptage bactérien par PCR (2) après trois mois, du fait d’une recolonisation bactérienne identique. Les études sur le ErYAG rapportent des résultats similaires au surfaçage par ultrasons en terme de réduction de pathogènes (4,13).

Une étude in vitro avec le laser CO_ montre la nécessité de contact du faisceau laser avec les bactéries pour obtenir l’effet bactéricide et permet de visualiser l’interface entre les bactéries vitales et les bactéries touchées (33). D’autres études in vitro avec les diodes révèlent des effets différents sur le morphotype des bactéries en fonction de l’énergie délivrée, pouvant aller jusqu’à stimuler leur développement (21). Là encore les études actuelles sont difficiles à comparer car les protocoles diffèrent. Les modes opératoires doivent être confirmés pour obtenir l’effet antibactérien désiré.

 

PRECAUTION D EMPLOI

Rappelons enfin que l’utilisation du laser implique des mesures de protection strictes pour le patient et pour l’opérateur. Des lunettes protectrices ayant des capacités de filtration spécifiques sont nécessaires pour protéger les yeux du patient et de l’opérateur.

Des panneaux indiquant que la pièce est destinée à des traitements par lasers doivent être placés à l’entrée de la salle, avec la signalisation « danger : rayon laser, éviter l’exposition des yeux » (18). L’utilisation des générateurs lasers nécessite donc une formation sérieuse.

 

CONCLUSION

La position de la Société Française de Parodontologie et d’Implantologie Orale (SFPIO) rejoint celle de l’Américan Académy of Periodontology (AAP) pour conclure que, les résultats obtenus après irradiation laser d’un tissu biologique sont directement liés aux paramètres physiques utilisés(1).Pour une même longueur d’onde les variations des paramètres d’utilisation vont générer des niveaux d’énergie différents sur des périodes différentes et vont donc induire une variation des modifications du tissu cible. La revue de littérature met en évidence les résultats contradictoires obtenus pour une même longueur d’onde de laser dans les différentes études, du fait de la variabilité des paramètres utilisés. La revue de littérature démontre aujourd’hui la nécessité d’adopter une approche basée sur la preuve. Il est nécessaire de mettre en place des études cliniques longitudinales, randomisées, contrôles et en aveugle pour déterminer le réel bénéfice de la thérapeutique laser dans le traitement des maladies parodontales chroniques. Ces études multicentriques devront être réalisées par des cliniciens indépendants, détachés de toute emprise industrielle. Les paramètres d’utilisation des générateurs (temps d’utilisation, énergie délivrée, mode opératoire utilisé) pourront ainsi être précisés et validés.

 

En parodontologie, les lasers qui provoquent une élévation thermique peuvent être iatrogènes en terme de réattache et il faudra privilégier les lasers qui assurent une irrigation conjointe au tir.

Actuellement, seuls les laser ErYag ont démontré une efficacité équivalente aux traitements non chirurgicaux traditionnels en terme de réduction de poche et de diminution de la masse bactérienne sous gingivale.

Par contre, peu de preuves viennent étayer l’intérêt de l’utilisation du laser en soutien du surfaçage classique.

L’investissement de ce type de générateur reste cependant encore important comparé aux bénéfices cliniques obtenus.

A ce jour, les systèmes ultrasoniques avec les micro inserts restent la thérapeutique non chirurgicale, la plus rapide et la moins onéreuse, pour l’élimination des dépôts tartriques supra ou sous gingivaux.

 

Mots clefs : LASER, longueur d’onde, cracking, effet photo thermique, bactéricidie, biostimulation, surfaçage radiculaire, traitement parodontal.

 

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